Où avons-nous échoué, pour ne pas répéter les mêmes erreurs?
Je tiens à remercier Mathieu W. Marchand, sur la collecte d’une partie du data, essentiel à la compréhension de cette démarche. Mathieu est CFA, économiste et scientifique de data.
Je déteste devoir parler de moi, mais puisque je m’apprête à me faire lancer des roches ou me faire traiter d’alarmiste, je tiens à préciser que ceci est un texte d’opinion. Ma bio: ici.
Enfin. Au risque de me tromper, ce texte n’engage que moi, vous pouvez faire vos propres recherches et conclusions.
Je vais employer une méthode de calcul assez simpliste. Noir sur blanc, le calcul des médianes de la période d’incubation, le retour des voyageurs comparativement et en corrélation à New York et en Italie, le délai entre l’apparition des premiers symptômes, le «lead time biais», en corrélation avec la courbe exponentielle en Italie et à New York, en me basant per capita, par habitants. Je fais une hypothèse sur les «données fantômes de la contamination» puisque nous ne connaissons pas le moment réel de contamination, ce sont des hypothèses.
Je tiens à dire que je ne prends absolument aucun plaisir à faire cet exercice, mais je trouve que c’est essentiel à ce stade-ci pour comprendre la progression du virus.
MISE À JOUR DU 28 MARS
— Patrick Déry (@Patrickdery) March 28, 2020
➡️2498 cas en tout au Québec aujourd'hui (+477)
➡️22 décès (+4)
➡️164 hospitalisations (+23)
➡️ 57 aux soins intensifs (+7)
Le graphique montre la progression à partir du 100e cas et ramène tous les pays à ce point.#covid19 pic.twitter.com/stGOYpZ5Z3
Dans ce graphique nous voyons que le Québec suit la trajectoire médiane des autres pays lourdement affectés.
J’ai basé mon analyse sur trois critères:
1. Le retour de nos voyageurs comparativement à ceux de New York: c’était le 13, 14 et 15 mars, les aéroports à Chicago et New York étaient pleins, surtout le 15 mars, si vous vous rappelez.
Notre sommet pour le retour de nos voyageurs était entre le 16 et 20 mars, puis malheureusement, une autre vague plus tardive, les «snowbirds».
2. Il faut arrêter de se fier aux données actuelles à court terme («data»), ce n’est pas une bonne mesure du nombre réel de cas pour différentes raisons énoncées ci-bas. Il faut prévoir dans le temps les cas suspectés et potentiels, ainsi que le sommet de la contamination et ensuite appliqué le data du «lead time bias».
Le retard des tests au Québec a grandement affecté les chiffres qu’on nous a présentés ces derniers jours dans les médias.
Vous devez comprendre le principe de biais de délai «lead time bias», en plus des longs délais pour tester, voici une explication, selon les données cumulées par l’économiste Mathieu W. Marchand (source dans l’article cité plus bas):
«A. Le délai entre l’apparition des premiers symptômes et une confirmation par radiographie d’une pneumonie causée par le Covid-19 varie entre 3 à 7 jours (médiane 5 jours).
B. Le délai entre les symptômes et l’admission aux soins intensifs varie de 7 à 14 jours (médiane 11 jours).
C. Le délai entre l’admission aux soins intensifs et la mort varie de 3 à 11 jours (médiane 7 jours).
D. La victime médiane meurt donc 18 jours après les premiers symptômes (variation de 10 à 25 jours).
E. La victime médiane meurt donc 24 jours après avoir été contaminée (variation de 13 à 39 jours).
Les 10 morts au Québec, du 27 mars ont donc été contaminés autour du 3 mars (avec une fenêtre allant du 17 février au 14 mars).
Ils ont eu leurs premiers symptômes autour du 9 mars et ont été détectés officiellement aux environs du 14 mars.»
Je ne veux pas être porteur de mauvaises nouvelles, je tiens à répéter que je ne prends pas du tout plaisir à analyser ces chiffres; nous parlons ici de morts, de tragédies familiales. J’ai énormément d’empathie pour les victimes, mais je suis de ceux qui croient que les gens doivent comprendre la gravité de la situation et absolument rester chez eux, plus on minimalise l’impact, plus les gens vont sortir, et c’est ce qui est arrivé.
3. Dans ma compréhension, la pire fin de semaine de contamination au Québec, fut celle du 14-15 mars. Je me base sur trois critères.
Premièrement, la semaine de relâche a amené bon nombre de Québécois à voyager à travers le monde, contribuant à leur retour précipité, ça a contribué à la propagation du virus.
Deuxièmement, les gens se promenaient beaucoup pendant cette fin de semaine, il n’y avait pas encore de confinement.
Troisièmement, ça coïncide avec le début du retour des voyageurs, suite à l’annonce du Ministre Champagne le 13 mars.
Les Québécois sont aussi massivement aller faire leurs courses pendant cette fin de semaine, les Costco débordaient. Ce n’est qu’une hypothèse, mais c’est disons une conjoncture parfaite pour la pandémie.
Ensuite, la semaine du 16-23 mars fut tout aussi dévastatrice en terme de contagion, il n’y avait toujours pas de confinement obligatoire, rappelons que Québec a fermé ses entreprises, seulement le 23 mars dernier.
Pendant une pandémie, un cocktail terrible pour augmenter la contamination, c’est de faire revenir des dizaines de milliers de voyageurs, pendant que la population n’est toujours pas en confinement. Une grave erreur de nos experts au fédéral.
Mon hypothèse, là où il y a eu le plus de contamination, c’est dans les avions et aéroports, et ensuite lorsque la population s’est mélangée dans les transports publics, épiceries et autres lieux.
Donc, nous savons dans le point [2] qu’il y a une médiane de 5 jours pour les premiers symptômes, à partir du 19 mars environ (médiane des voyageurs). Ça nous amène au 24 mars pour le début des hospitalisations.
À ce moment, malgré que le gouvernement ait dit que ça prenait de 24-48 heures pour se faire tester, pour certains, selon de nombreuses sources, ça a pris jusqu’à 5 jours se faire tester et recevoir les résultats.
Le 13 mars, nous ne faisions que 400 tests par jour au Québec.
Ça nous amène donc à aujourd’hui, au 29 mars.
D’après mon analyse, il y aura une explosion de cas au Québec entre le 30 mars et le 10 avril 2020. Et les gens comprendront que, per capita, nous nous situons dans la moyenne européenne, nous ne faisons pas mieux, nous accusons simplement un retard, lorsqu’on effectue une corrélation entre notre courbe et celles des autres pays, nous ne faisons pas mieux, si on se fie aux données futures, et non aux données biaisées actuelles. Il y a un long biais de délai, comparativement à l’Allemagne, l’Autriche ou la Corée du Sud, pour ne nommer qu’eux.
Je suis triste de croire qu’il y aura malheureusement, selon mes calculs, une forte augmentation de cas et de décès vers le 15 avril, en me fiant au biais de délai.
Puisque la contamination se fait dans les aéroports et avions, et que le pic de la contamination était d’après moi vers la fin de semaine du 20-21-22 mars. Le pic des décès sera vers le 14 avril et 15 avril, à mon avis. 24 jours (médiane) entre la contamination et le décès.
Le confinement a pris beaucoup trop de temps.
14 mars 2020 – Ottawa (Ontario) Les vols commerciaux seront bientôt moins nombreux dans le ciel, prévient le ministre des Affaires étrangères du Canada, François-Philippe Champagne. Il exhorte donc les Canadiens à rentrer à la maison pendant qu’il en est encore temps.
Je crois que l’autre erreur gravissime, malheureusement, est le fait que les voyageurs sont revenus tous en même temps, dans une économie qui était ouverte, sans aucunes mesures de précaution aux aéroports, lorsqu’il n’y avait pas de confinement obligatoire.
Le 22 mars, utilisant la même méthodologie des comparables des autres courbes exponentielles, j’avais avancé, que nous aurions 2000 cas le 28 mars au Québec. (Voir ma projection sur l’Espagne par exemple).
J’évalue maintenant que nous aurons environ 15,000 cas le 15 avril au Québec et une forte augmentation du nombre de décès. C’est un nombre de cas per capita moyen.
Encore, une fois, ça m’attriste grandement, j’ai des proches dans mon entourage qui sont à risque, qui travaillent en santé, je crois par-dessus tout que toutes ces erreurs du gouvernement fédéral, feront en sorte, qu’il y aura une grande augmentation des cas. Ces erreurs se quantifieront en centaines de morts additionnels et une surcharge de notre capacité dans nos hôpitaux.
Ça reste un scénario hypothétique basé sur différentes médianes, il y a d’autres critères qui entrent en compte.
Malgré TOUTE ÇÂ, après çâ, ça vâ bien aller. On est enfin en confinement.
Solutions
J’aimerais citer Michel Seymour, le philosophe Michel Seymour, professeur québécois, pour la suite des choses:
«Nous avons opté pour un dépistage ciblant les personnes venant de l’étranger ainsi que celles ayant été en contact avec elles. Cette «stratégie» était peut-être la seule possible étant donné le manque de ressources en masques, kits de test, centres de dépistage, laboratoires d’analyse et respirateurs. Telle a été notre erreur. Nous aurions dû suivre les recommandations de l’OMS et nous aurions dû nous préparer à l’avance en nous dotant d’une infrastructure appropriée.
Si malgré tout nous parvenons à contrôler la propagation du virus, ce ne sera pas à cause de notre méthode de dépistage, mais bien à cause du confinement. On ne peut toutefois pas rester confiné pendant six mois, alors que faire?
Maintenant que l’infrastructure est en place, il faudra procéder à un dépistage systématique de toute personne présentant des symptômes une fois passé les 14 jours après la disparition de tous les cas identifiés, et confiner les personnes dont le test est positif pour permettre aux autres de retourner au travail en toute sécurité.
Il faudra aussi maintenir l’infrastructure en place en prévision de la prochaine pandémie qui ne manquera pas de survenir. La destruction de la biodiversité (résultat d’un capitalisme sauvage) va provoquer des pandémies à répétition dans les prochaines années. »
Méthodologie: le data sur le nombre de cas, les dates du retour des voyageurs sont prises selon les différentes annonces de nos gouvernements, je me suis basé sur les chiffres et les nombres de cas déclarés par le gouvernement. Pour la valeur temps, je me suis fié aux différents communiqués de presse.
Nous reviendrons, Mathieu W. Marchand et moi avec une méthodologie de calcul plus spécifique, sur la contamination et le retour des voyageurs pour justifier ma projection.
Source: Pour les médianes, j’invite les gens à consulter cet article de l’économiste Mathieu W. Marchand: