Encore les milléniaux, réponse à Patrick Lagaçé

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Salut Pat,

J’aurais aimé t’écrire plus tôt, mais j’étais trop occupé à vomir dans un avion entre les Émirats et la Turquie. Hashtag, vie de milléniaux.

«Yo, ça chille?»

Ça chille? Sérieusement? Ce genre de phrase doit plaire aux nombreux boomers qui se grattent la prostate entre-eux, dans les commentaires sous ton article, mais venant de toi, je dois avouer que je suis un peu déçu! Tu es trop jeune et beaucoup trop cultivé pour écrire une niaiserie du genre. On se croirait dans Watatatow.

Je vais commencer en mentionnant que ton texte me «gosse» royalement. Diviser la population dans les médias en apposant une étiquette à un groupe d’individus, fallait y penser! C’est trop facile et tu le sais. C’est un comportement que tu as pourtant dénoncé, il n’y a pas si longtemps. Je vais être franc avec toi, j’ai trouvé ce texte hyper condescendant.

Ça veut dire quoi, travailler?

Je te cite: «Non, ce qui va te distinguer, c’est de… travailler. Ça veut dire quoi, travailler? Ça veut dire accepter les quarts de travail de merde.»

Seigneur. Lucien Bouchard, sort de ce corps!

Sans passer par quatre chemins, pour qui tu te prends?

Qui es-tu pour expliquer à toute une génération ce qu’est le travail? Sérieusement, t’es un super chroniqueur, mais il y avait juste Nelson Mandela et Jésus pour me parler de même, change de ton.

Tu ne vois pas tous ces jeunes chez Tim Hortons, au magasin du coin ou à l’épicerie? Ces étudiants et ces jeunes qui acceptent «les quarts de travail de merde?» pour joindre les deux bouts? Ces cinq jeunes de C2 Montréal, que tu instrumentalises le temps d’un texte, rassure-toi, ils ne représentent pas toute une génération.

Conséquemment, je ne devrais pas prendre mon expérience personnelle et l’appliquer aux milléniaux du monde entier, mais bon… les jobs de marde, je l’ai aient tous eux!

Garder des enfants et changer des couches, transport et déménagement, construction, après-sinitre les deux mains dans la marde, la vraie! Laver la vaisselle, travailler sur une terre agricole, travailler dans une cours à scrap, manutentionnaire chez Robert Transport, laver des voitures dans un car wash l’été, agent de sécurité à Fort McMurray, répartiteur au 911 pendant trois ans, concierge d’hôtel et voiturier.

Personne s’intéresse à mon CV, mais c’est simplement pour illustrer que non Patrick, notre génération n’est pas moins travaillante ou plus paresseuse que la tienne. Ce constat-là, c’est juste un mythe de boomers pour se remonter l’égo à l’approche de la retraite. «Heye, on as-tu travaillé fort nous autres, regarde cette gang de petits paresseux.»

Ce qui est dommage, c’est que ma génération va probablement dire la même chose des jeunes en 2050. C’est un comportement assez pathétique, j’espère ne pas devenir aussi vieux.

Réinventer le travail et le contrat social. 

De plus en plus, les jeunes réalisent qu’un autre monde est possible. «L’obéissance au seul appétit est esclavage et l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté. L’homme est né libre, et partout il est dans les fers. Tel se croit le maître des autres, qui ne laisse pas d’être plus esclave qu’eux.» «Ce maître n’a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps, et rien de plus que n’a le dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu’il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire.» Citer du Rousseau et de La Boétie, random de même, au milieu d’un texte, ça c’est millénial!

Il semble y avoir une tendance de générations en générations: nos enfants seraient perpétuellement moins « travaillants » que les générations antérieures, c’est ce que disait mon arrière-grand-père sur la ferme familiale à mon père, même chose pour son père avant lui. Mathématiquement, l’humain serait destiné à devenir une larve obèse sur le chômage.

Pour être franc, je trouve ça minable et rétrograde comme constat. Il n’y a pas si longtemps, il faut se rappeler que des prêtres venaient stimuler les travailleurs dans les usines et manufactures montréalaises, en promettant un paradis et une vie meilleure aux «moins paresseux.» Aujourd’hui, c’est un peu la même chose, avec des personnages différents.

Je pose la question, est-ce possible que mieux éduqués et mieux informés, les jeunes ont moins envie de travailler dans des emplois peu valorisants?

Ma génération n’est pas paresseuse, elle est juste écoeurée de se faire avoir par les possédants, dans un système pourri axé sur la surconsommation et les profits du 1%. Ma génération n’est pas moins travaillante, elle est moins manipulable, elle comprend que le modèle actuel est nul à chier.

«Tu ne fais pas partie de la génération la plus spéciale de l’humanité.»

Mais qui dit ça Patrick? Je ne comprend pas pourquoi tu apposes cette étiquette sur le dos des «milléniaux» particulièrement. Parce que ton texte est construit sur cette intention que les 81-91 se prennent pour le nombril du monde.

Je crois que chaque jeunesse est révolutionnaire et remplie de bonnes intentions, comme les hippies (flower power) qui voulaient changer le monde eux-aussi.

La seule grande différence avec notre génération comme je te disais en privé, c’est de vivre avec l’informatique et le savoir dans sa poche; en plus de l’intelligence artificielle qui cogne à nos portes. Ce changement d’environnement, comme tu le mentionnais, permet à notre génération d’être assez singulière. Les jeunes veulent travailler du café du coin, voyager, travailler de chez eux, dans des co-working space, ils veulent bouger. Un petit groupe à C2 Montréal ne représente pas toute une génération.

Pour ce qui est des employeurs, oui, ils devront s’adapter aux changements de moeurs. Les jeunes n’en veulent plus du 9 à 5 et du présent contrat social néolibérale, ils ne sont pas paresseux, ils veulent mieux utiliser leur temps dans de meilleurs emplois pour le progrès. Est-ce possible que nous soyons moins naïfs que nos ancêtres? Peut-être que l’internet à quelque chose à avoir là-dedans.

Je crois fortement au revenu universel et à une meilleure utilisation des ressources humaines, je travaille à Dubai, où beaucoup de jeunes travaillent de la maison, voyagent, utilisent des ressources informatiques. Le monde change. C’est peut-être dur à imaginer sur Saint-Antoine, mais à Dubai, à San Francisco, à Singapore, à Séoul, le marché de l’emploi change et va continuer de changer. Les employeurs ne sont pas des dieux qui établissent les lois, ils ont tout à gagner avec la coopération et en étant à l’écoute des changements et des besoins des plus qualifiés. Pour être entrepreneur depuis cinq ans avec des clients à l’international, je suis assez bien placé pour comprendre les besoins des «milléniaux.»

Il faut innover et être à l’écoute des plus qualifiés, si on regarde du coté de Google, Bayer, Tesla, Facebook, Intel, IBM, Airbnb, Alibaba, Uber, etc. C’est assez intéressant de voir comment ils attirent leurs millions d’employés. Elon Musk a une approche très innovatrice, si jamais ça t’intéresse.

Et puis, entre toi et moi, ce seront évidemment des jeunes qui instaureront les nouveaux paradigmes de l’économie, et je crois que ça sera bien plus complexe que l’adaptation à l’internet. Au bout de la chaîne des médias, que ce soit pour La Presse ou le New York Times, c’est un jeune, Mark Zuckerberg qui récolte la plus grande part des profits avec sa gang de «milléniaux».

Contrairement à ce que tu avances, dans l’économie du 21ème siècle, dans une économie progressiste axée sur la créativité, un jeune de 25 ans sera plus performant dans son emploi qu’un jeune de 45 ans. Mais notre société est bourrée d’emploi inutiles où l’expérience, afin de répéter des tâches est importante. Nous pouvions dire le contraire dans les économies précédentes, sur un chantier de construction ou à l’usine. Pour des métiers avec des tâches répétitives et manuelles. Mais pour palier à l’automatisation, à l’intelligence artificielle et aux entreprises web, l’expérience sera de moins en moins importante, et on laissera plus de place à l’innovation et à la créativité.

Mille ans de servitude volontaire et d’oppression Pat, on peut faire mieux.

Vouloir utiliser son temps dans des domaines utiles et être plus heureux, ce n’est pas de la paresse, c’est du progrès.

Bisous, yo.


Pour ceux que ça intéresse, ma réponse au premier statut de Patrick Lagaçé, ici (c’est long) :

https://www.facebook.com/jeanfrancois.hotte/posts/10155209827966420

6 Commentaires

  1. Heille, avant-hier je me suis demandée ce que tu devenais, et tu n’es meme pasdans mes pensées d’habitude. Bon retour!

  2. Toujours plein de clairvoyance –
    Comme dit mon boucher arabe : il faut travailler pour vivre et pas vivre pour travailler –
    Le côté négatif du travail : certains gagnent 1000 fois + que les autres . Cela veut-il dire qu ‘ ils travaillent 1000 fois + que les autres ? ( si la journée de travail est en moyenne de 9 heures , on peut en douter .. )
    Le côté positif du travail : les indiens d ‘ Amazonie ne travaillent que 3 heures par jour et en profitent pour admirer plein de belles choses de la vie –

  3. En effet, diviser la population dans les médias en apposant une étiquette à un groupe d’individus…c’est trop facile. Et oui
    le texte de Lagacé est condescendant, mais que dire de votre phrase :  » genre de phrase doit plaire aux boomers qui se grattent la prostate entre- eux ». Si ce n’est que de la condescendance et du mépris envers une autre génération que la vôtre ?

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