Les dodos de Jean-François Lisée

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Cher Jean-François,

Puisque tu comptes «les dodos» avant l’élection, je vais me permettre de te tutoyer. Depuis ce jour-là, tu es un peu devenu le Grand-Papa Bi des Québécois. J’aime l’idée qu’on est devenus amis, toi et moi. J’imagine que si je te vouvoyais, tu me ramènerais surement à l’ordre : « HEYE! Appelle-moi Jean-François, Monsieur Lisée, c’était mon père ! »

Plus cette course avance, plus je suis déçu par certaines de tes déclarations. Je vais te le dire d’entrée de jeu, comme un gaspacho sans saveur : je la trouve décourageante ta campagne électorale. En tout respect, faire une campagne sur la question identitaire en ciblant les 55 ans et plus et les gens grognons à l’approche de l’hiver, je trouve ça moche. C’est probablement la stratégie la plus facile et réductrice. Et c’est bien triste lorsqu’un politicien choisit la facilité ! À court terme, tu seras peut-être élu et si c’est le cas, j’espère sincèrement que tu changeras ton discours sur les musulmans et les nouveaux arrivants. Je suis de ceux qui croient que c’est ce qui est en train de couler le Parti québécois depuis deux décennies, eh oui, je suis un bizounours inclusif. J’ai entendu une nouvelle expression hier, «les jeunes progressistes inclusifs», comme si c’était mal. C’est hallucinant.

Enfin, bref, Jean-François, j’espère que tu seras en mesure d’élever le débat, toi, qui t’autoproclamais « le Bernie Sanders » de cette course. Pourtant, tu devrais le savoir, Bernie est contre toute forme de bannissement du voile intégral. Il est d’ailleurs contre l’immigration sélective. C’est ta vraiment stratégie? Favoriser l’immigration préférentielle selon l’ethnie, selon les « journées Québec ? »  The Bern  avait invité une femme vêtue d’un hijab sur scène en déclarant qu’il allait se battre pour le droit des musulmanes, leur choix de se vêtir comme elles veulent. Il avait déclaré : «I will fight against the ugly stain » of anti-Islamic sentiment across the U.S.» Cet homme savait plaire à la jeunesse avec des idées progressistes, c’est le succès de sa dernière campagne.

Malheureusement, je ne crois pas que tu atteignes les jeunes comme le fait Bernie. Alec Castonguay mentionnait sur Twitter que ce sont les sympathisants péquistes de 55 ans et plus qui te permettent de rejoindre Alexandre Cloutier au sommet dans les sondages. Selon Crop-La Presse, tu as seulement 24 % d’appui chez les 18-34 ans et 48 % d’appui chez les 55 ans et +. C’est vrai, ce ne sont que des sondages, mais il faut dire qu’ils sont rares les jeunes partisans de Jean-François Lisée. C’était tout le contraire avec René Lévesque et Jacques Parizeau, ces hommes que tu cites si souvent dans tes discours. René Lévesque disait justement que sans les jeunes, le Parti québécois ne serait plus le même. Le jeune Parti québécois de 1970 comptait 80 000 membres. René Lévesque avait déclaré qu’un parti politique ne devrait jamais vieillir et s’éterniser sans la jeunesse. Pour lui, les jeunes étaient le souffle et le cœur du PQ, même si ce n’est pas toujours payant dans les sondages. Personnellement, je crois que c’est ce dont le PQ a besoin par-dessus tout. Les jeunes. D’ailleurs, c’est qu’Ariane Cayer, présidente du comité national des jeunes du Parti québécois avait déclaré: « Ce qu’il faut à l’avenir au Parti québécois, c’est de consulter les jeunes. […] On a arrêté d’évoluer. On a arrêté de faire évoluer le discours. »

Des déclarations douteuses

Et puis, il y a eu tes déclarations sur Facebook : « Nous avons un ennemi déclaré, l’État islamique, qui recrute ici des gens pour poser des bombes. Notre seul choix est de débattre de l’interdiction de la burka AVANT qu’un djihadiste s’en serve pour cacher ses mouvements pour un attentat, ou APRÈS. » Une déclaration complètement déconnectée de la réalité. Tout pour diviser et décourager les musulmans de voter pour le PQ. Ce n’est vraiment pas rassembleur comme message. Les libéraux profitent, élection après élection, de ce genre de commentaires.

Maintenant, selon toi, « la meilleure immigration possible, ce sont les travailleurs venus de Paris, de Bruxelles et Barcelone. Il faut dire que ça sonne drôlement comme le Front National. Tout pour plaire à Mathieu Bock-Côté. Réalises-tu au moinsce que tu viens de dire  et à quel point c’était maladroit ? Toute une insulte pour les immigrants du Moyen-Orient, de l’Amérique du Sud ou de l’Afrique ; des ingénieurs, de médecins, des travailleurs… J’ai lu ce verbatum, tu t’es défendu en disant  «que ce sont les lieux où le ministère de l’Immigration a organisé des “journées Québec” d’embauche. C’est eux qui correspondent exactement à la demande d’emploi, qui sont immédiatement embauchés et immédiatement intégrés.» Il est justement là le problème ! Il n’y a pas assez de journées Québec ailleurs. Elle n’existe pas cette immigration parfaite. Je ne connais pas la méthodologie derrière tes statistiques, mais ça prend de l’audace pour dire qu’un immigrant de Barcelone a plus de chance de se trouver un emploi au Québec, qu’un Algérien ou un Libanais. Est-ce que nos employeurs offrent des chances égales à tous les immigrants ou préfèrent-ils les Blancs de Paris ou Bruxelles ? Est-ce que leurs diplômes sont vus de la même façon ?

Je sais que tu n’es pas raciste. Comme tu dis, ce serait de la malhonnêteté intellectuelle, de t’apposer cette étiquette. Tout de même, je remarque une tendance, tu évites systématiquement de parler des bons coups de l’immigration maghrébine.  Je ne t’entends pas parler des Algériens, des Marocains, des Égyptiens et des Libanais qui sont arrivés ici avec des diplômes pour contribuer à notre société. Depuis 25 ans, il y a eu plus de 250 000 immigrants arabes au Québec. Une population francophone.. hautement scolarisée, mais pour toi, leurs diplômes n’équivalent pas à ceux des Catalans, des Parisiens et des Bruxellois ? Il faut que ça change. Je ne sais pas si tu as déjà fait un tour aux départements d’ingénierie de Concordia. Étrangement, les arabes sont presque tous premiers de classe. Le pire c’est que ce n’est même pas un stéréotype, c’est vrai. J’ai participé à la dernière remise des diplômes. Ces étudiants doivent souvent recommencer leurs études une fois ici, même s’ils sont hyper qualifiés. L’un des pires problèmes que nous connaissons au Québec, c’est la non-reconnaissance des acquis et des diplômes étrangers, il n’est pas normal qu’en 2016, nous soyons encore à débattre là-dessus.

Je ne dirai jamais que tu es raciste, je sais que tu ne l’es pas. En fait, ce que tu dis, c’est que c’est plus facile d’accueillir de jeunes Blancs francophones prêts à travailler. Nous ne vivons pas dans cet idéal, il y a beaucoup de chemin à faire et il faut améliorer notre système d’immigration. La sélection préférentielle, c’est une insulte à la race humaine. C’est à nos politiciens d’offrir les outils et l’aide nécessaire à tous les néo-québécois pour qu’ils puissent s’épanouir ici.

Parfois, je te perçois comme un entrepreneur qui veut garder sa bonne vieille recette. Un vieux journal à succès d’antan qui ne veut pas passer au numérique, un constructeur automobile qui ne veut pas passer à l’électrification. Le monde a changé, les jeunes Québécois ne perçoivent plus cette planète comme nos grands-parents. Ta vision du Québec et de l’indépendance, ta vision de notre identité, notre culture et notre immigration, il y a trop de division dans ce que tu proposes, je ne me reconnais pas là-dedans.

Ce que je souhaite au Parti Québécois c’est un leader qui se tient debout pour tout le monde, pas seulement les 55 ans et + identitaires. Je veux qu’un immigrant Algérien, Syrien, Grec ou Colombien arrive ici et qu’il se dise : «Mon premier ministre, il me soutient, il veut me donner les meilleurs outils pour devenir Québécois.» Il va me donner les mêmes chances que les Bruxellois et les Parisiens. Je veux d’un Premier ministre qui donnera aux immigrants l’envie de devenir indépendantistes, avec une vision d’ouverture sur le monde. Je ne veux pas d’un Premier ministre qui dit : intégrez-vous du mieux que vous pouvez ou retournez chez vous. Le Québec vaut mieux que ça, notre hospitalité a toujours fait notre réputation. Je ne veux pas d’un Premier ministre qui entretient la haine et la division. Avoir du leadership, aspirer à être Premier ministre, c’est donner une chance égale à tous. Vivement un peu de renouveau au Parti Québécois…

9 Commentaires

  1. Que vous n ‘ ayez pas de problèmes au Québec avec vos immigrés arabes , tant mieux – une certaine intelligentsia peut-être ? – Mais nier qu ‘ il y a de graves problèmes dans leurs pays , notamment avec la condition des femmes , c ‘ est ne pas connaitre la réalité – Il semble qu ‘ ici en France notre immigration arabe ait une tout autre dimension que chez vous – pourtant je ne demande qu ‘ à fraterniser avec tout le monde et que je ne voterai jamais front national ni aucune connerie du genre – mais voilà , ça n ‘ est pas simple –

  2. Qu’est-ce que les personnes de cinquante cinq ans t’ont fait? Ce n’est pas une fatalité de devenir con en vieillissant. J’étais bien plus con à vingt ans !!!

  3. J’ai vérifié. J’ai même lu le verbatim avant d’écrire mon texte. C’était maladroit, il y avait beaucoup trop de sous-entendus. On ne peut pas parler de sélection préférentielle dans seulement 3 pays, comme un modèle. JFL aurait dû proposer dès le départ que sa proposition était dans faire plus pour la reconnaissance des acquis académique, dans d’autres pays, comme l’article qu’il cite. Il doit donner l’exemple. Il aurait dû dire que les immigrants doivent être mieux encadrés, pas lancé: Il faut moins d’immigration, et une immigration «parfaite» existe, c’est dans ce sens que c’était maladroit. Au plaisir.

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